21 avril 2006

Eterview Serge-André Guay, Fondation littéraire Fleur de Lys

Eterview de Serge-André Guay, fondateur en juin 2003 de la Fondation littéraire Fleur de Lys, "premier éditeur libraire francophone sans but lucratif en ligne sur Internet, gérée par un regroupement de nouveaux auteurs, auteurs et écrivains professionnels, d'éditeurs, de lecteurs et de lectrices intéressés."

La Fondation littéraire Fleur de Lys, dont vous êtes le fondateur et le président, est l'un des rares éditeurs en ligne au Québec. Comment expliquez-vous cette rareté alors qu'en France les initiatives de ce genre sont nombreuses ?

- Le retard du Québec en matière d’édition en ligne s’explique par le manque de volonté politique et la méconnaissance de ce nouveau type d’édition au sein de la population. Par exemple, plusieurs Québécois croient à tort que l’éditeur en ligne offre uniquement des exemplaires numériques téléchargeables (fichiers PDF). On ignore donc que l’éditeur en ligne offre aussi l’impression à la demande. L’information sur le sujet circule très lentement en l’absence d’implication des médias, exclusivement tournés vers l’édition traditionnelle. Notez que cette dernière est loin d’encourager l’édition en ligne au Québec.

Votre vocation est nettement francophone. Quels services votre Fondation littéraire Fleur de Lys peut-elle apporter à des auteurs français, compte tenu notamment de nos différences de législation sur le droit d'auteur ?

- En France, l'auteur est forcé de céder son droit de fabrication. Ce n’est pas le cas au Canada car l’auteur peut choisir d’accorder à l’éditeur une licence. C'est l'option retenue par notre fondation. Nos auteurs conservent leurs droits d'auteur et nous accordent uniquement une licence d'édition. De plus, en France, l'auteur doit attendre un minimum de 5 ans avant de pouvoir changer d'éditeur. Après 5 ans, un auteur peut aller voir un autre éditeur et si ce dernier lui fait une meilleure offre, son éditeur actuel a le choix entre mettre fin au contrat ou égaler la nouvelle offre. Au Canada, la loi n’impose pas une période minimum ou maximum de temps dans le cas de l’accord d’une licence. Il revient à l’auteur et à son éditeur de s’entendre sur la question*. Notre fondation demande aux auteurs une licence de deux ans, que l’auteur est libre de renouveler ou non. Et, si l’auteur trouve un éditeur traditionnel pour distribuer son œuvre en librairies, distribution que nous ne faisons pas, il peut rompre son contrat avec nous avant terme sans aucun préjudice. Notez que notre fondation considère l’édition en ligne comme une alternative à l’édition traditionnelle et non pas comme un équivalent. Nous ne voulons pas être une entrave au rêve de l’auteur de voir un jour son livre en librairies.
[* Note de Nouvolivractu : ce point de vue est celui de l’Union des Écrivaines et des Écrivains Québécois (UNEQ) Pour plus d'informations sur ces questions se reporter à l'avis de l'avocat conseil de l'Union des Écrivaines et des Écrivains Québécois et au billet "Pourquoi plusieurs auteurs français se tournent vers le contrat d'édition québécois ?"]

L'édition numérique est-elle pour vous encore en devenir, ou bien, est-elle en train de trouver son point d'équilibre ?

- Je crois que l’édition en ligne connaîtra encore plusieurs développements, notamment sur le plan technique. Aussi, il ne faut pas oublier que l’édition en ligne demeure, et de loin, la meilleure réponse à la saturation du marché de l’édition traditionnelle. Or, cette saturation est l’indice d’un marché mûr, c’est-à-dire, dont le développement est terminé, et devant se rationaliser. La seule porte de sortie de l’édition traditionnelle est dans les pays en émergence. Mais il est fort à parier que ces pays examineront de près la possibilité de passer tout de suite à l’édition en ligne plutôt que de développer l’édition traditionnelle sur le modèle connu.

Vous êtes l’un des membres fondateurs de l'Association francophone d'information et de conseil aux auteurs de l'écrit Ecrivain Avenir, quels sont les principaux abus constatés dans l'édition en ligne ? En quelques mots, quels conseils donneriez-vous aux auteurs ?

- Plusieurs éditeurs en ligne abusent de l’ignorance des auteurs avec des contrats d’édition et des promesses qui dépassent largement les possibilités réelles de l’édition sur internet. Notez que la moyenne de vente d’un livre n’est que de dix exemplaires sur internet. Dans ce contexte, jamais un auteur devrait céder ses droits à un éditeur en ligne, de façon à pouvoir poursuivre sa recherche d’un éditeur traditionnel. L’auteur doit considérer l’édition en ligne comme une alternative à l’édition traditionnelle et ajuster ses ambitions en conséquence.

Nouvolivractu est dédié aux nouveaux appareils et systèmes de lecture : à votre connaissance où en est le Québec par rapport à l'e-book de nouvelle génération, l'e-ink et l'e-paper qui, du Japon, arrivent aux Etats-Unis et bientôt en Europe...

- Sur le plan technologique, je ne sais où en est le Québec en ces domaines. Mais je n’anticipe pas un marché extraordinaire pour ces nouvelles technologies chez nous à moins que la protection de l’environnement nous y force.

Vous avez vécu en pionnier ces années où les auteurs et les partenaires de ce que nous appelons en France "la chaîne du livre" ont commencé à investir Internet... Comment voyez-vous aujourd'hui l'avenir de l'édition papier traditionnelle et pensez-vous, comme nous, que tant les éditeurs que les auteurs n'ont pas encore pleinement saisi toutes les possibilités nouvelles qui s'offraient à eux et que, en somme, la révolution numérique est devant nous ?

- Il n’y a pas d’autre avenir pour un marché saturé que la rationalisation. L’avenir est à l’édition en ligne.

Présentation de la Fondation littéraire Fleur de Lys
"
Lancée le 2 juin 2003, la Fondation littéraire Fleur de Lys se veut une alternative voire un tremplin vers l'édition traditionnelle. Ce projet est essentiel parce que les auteurs éprouvent de plus en en plus de difficultés à intéresser des éditeurs traditionnels à leurs œuvres. En fait, les éditeurs refusent plus de 90% des manuscrits soumis à leur attention, non pas en raison d'un manque d'intérêt et de qualité littéraire, mais parce que le marché du livre papier traditionnel est saturé. Le nombre de nouveaux titres augmente d'année en année tandis que le tirage de chaque titre diminue sans cesse. Ce déluge de livres a pour conséquence qu'une nouveauté demeure rarement plus de trois mois en librairie. Et qu'importe les efforts des uns et des autres, vous trouvez sur les tablettes de votre librairie préférée, si vaste soit-elle, moins de 10% des œuvres proposées par les auteurs. Devant aucune alternative valable, la majorité des auteurs se voient forcés de remiser leurs œuvres au fond des tiroirs. L'arrivée de l'Internet change la donne…" (Serge-André Guay)

Site de la Fondation littéraire Fleur de Lys
Présentation vidéo
Blog Edition en ligne
Blog L’Internet du livre
Blog Liberté d’édition = Libre choix des lecteurs
Blog Conseil littéraire

"Créée en 2003 par un groupe d’auteurs, la Fondation littéraire Fleur de Lys est le premier éditeur libraire francophone sans but lucratif sur internet. Elle édite en ligne les œuvres des auteurs en attente d’une édition traditionnelle ou qui préfèrent l’internet à titre d’édition alternative. Elle préserve ainsi une part du patrimoine littéraire qui ne connaîtrait pas autrement de diffusion. Elle opère une maison d'édition suivant les valeurs énoncées dans la Charte des droits et des libertés de la personne et différents critères de sélection inhérents à la qualité littéraire et au respect des bonnes mœurs. Son contrat d'édition respecte les dispositions légales en la matière et les différentes demandes exprimées par les syndicats d’auteurs. L’auteur demeure titulaire de ses droits d’auteurs, et ce, afin de lui permettre de poursuivre sa recherche d’un éditeur traditionnel. Elle assure la diffusion des œuvres dans sa propre librairie en ligne. Le lecteur peut se procurer une version numérique ou papier du livre de son choix. La Fondation littéraire Fleur de Lys jouit de l’appui de plus de 250 nouveaux auteurs, auteurs et écrivains professionnels." (Serge-André Guay)